EN QUÊTE
un projet de Laurent de Richemond, Stéphanie Louit, Boris Szurek
création théâtrale / écriture du réel / art et science
premières étapes de recherche / missions "in situ" / 2024-2025
du 18 au 30 Novembre 2024 : La Réunion / Madagascar
du 04 au 19 Mai 2025 : Madagascar
recherche et création
2025 / 2026 / 2027
Théâtre - Art et Science
une écriture du réel autour du travail de recherche du Dr. Boris Szurek
(microbiologiste, directeur de recherche en biologie comportementale à l’IRD de Montpellier)
une recherche artistique s'inscrivant dans le projet international "SABRE"
(Stopper l’Attaque de la Bactériose vasculaire du Riz Émergente dans l’océan indien)
production : Compagnie Soleil Vert / coproduction : IRD Montpellier - Projet SABRE
partenaires de production et de diffusion en cours pour la création du spectacle en 2026-2027
Quête :
(du latin quaerere : chercher) Action par laquelle on cherche à trouver, à découvrir… Recherche obstinée de quelqu’un, de quelque chose… Action du chien ou du chasseur qui cherche la voie du gibier… Action de demander et de recueillir des dons, des aumônes pour soi ou pour les pauvres…
Enquête :
Recherche de la vérité par l’interrogation de témoins et la réunion d’éléments d’information… Recherche effectuée pour faire la lumière… Opération qui a pour but la découverte de faits, l’amélioration des connaissances ou la résolution de doutes et de problèmes… Recherche poussée d’informations avec le but de l’exhaustivité dans la découverte, et volonté de rendre public ces informations collectées… Ensemble des investigations relatives à la commission d’une infraction… Le terme « enquêter » a donné aussi le dérivé « histoire » (recherche, connaissance acquise par l’enquête, récit)
Bactérie :
Micro-organisme formé d'une seule cellule, sans noyau, à structure très simple, considéré comme ni animal ni végétal. La bactérie se divise pour se reproduire, elle n’a pas besoin d’un autre.
« EN QUÊTE »
origine du projet : un désir partagé de rencontre entre la science et l'art
par Dr. Boris Szurek - microbiologiste, chercheur en phytopathologie et en biologie comportementale
Je suis biologiste de formation et directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement. Dans mon travail de chercheur à l’IRD, je dirige une équipe de chercheurs étudiant les mécanismes moléculaires, génétiques et évolutifs qui sous-tendent l’adaptation de microorganismes phytopathogènes (comme les bactéries) à leur environnement, c’est à dire les plantes dont elles dépendent pour croître et se multiplier.
Ma rencontre avec Laurent de Richemond remonte à près de 10 ans. C’était dans le cadre d’un atelier de théâtre à Marseille, et si je n’avais pas eu le loisir de l’écouter présenter son projet, le texte le décrivant m’avait immédiatement conquis : il s’agissait d’interroger notre rapport à l’autre à travers un spectacle intitulé « Curiosity » dans lequel nous étions amenés à vivre une aventure théâtrale qui nous appelait à questionner notre « curiosité », en faisant une « expérience de l’autre »
Ce qui fait communauté a une dimension éminemment organique : le groupe existe grâce à la singularité de chacun des individus qui le constitue, mais l’identité de chacun ne peut prendre forme que parce que le groupe offre un cadre pour y donner sa place. En nous interrogeant sur la nature des « Associations du Vivant », nous cherchons les fondements de ce qui peut faire société au sens le plus large du terme. Et c’est, je crois, précisément ce qui anime Laurent de Richemond dans sa quête artistique.
C’est en me laissant emporter dans la tourmente du théâtre que je pris conscience que Laurent de Richemond est autant un chercheur que moi et nous parlons la même langue, et nous sommes habités par la même folie et la même intranquillité propres à ceux qui foulent des terres inconnues, et essayent de comprendre, et qui doutent, et qui recommencent, et qui échouent, et qui se relèvent encore et encore, et dont le visage s’illumine quand enfin, après une infinie quête et tant d’impossibles, ils découvrent une petite pièce de l’immense puzzle. Et puis nous sommes tous les deux fascinés par les mystères du vivant dans lesquels nous puisons d’infinies sources d’inspiration pour créer, raconter, et comprendre le monde. Nous étions faits pour nous entendre.
La recherche scientifique c’est 10% de bonheur absolu pour 90% d’échecs et de frustration, disait ma directrice de thèse. Je ne dirai pas que la façon qu’a Laurent de diriger ses acteurs devrait se résumer ainsi mais j’ai été marqué par le parallèle entre nos deux mondes, celui de la quête scientifique et celui de la création théâtrale. L’issue réside souvent dans l’exercice de reprendre, de recommencer, de tâtonner, mais aussi de suivre son intuition pour au final arriver à quelque chose et aboutir in fine à ce que d’aucun considère comme l’essence même de la vie et d’autres un non-sens, une perte de temps. Car à quoi bon tenter de comprendre l’art de la communication chez les oiseaux ? Pourquoi passer une vie à étudier le déplacement de communautés de poissons ? A savoir si les bactéries sont aptes au sexe ? L’artiste et le scientifique tiennent un rôle un peu à part dans nos sociétés.
Nos démarches raisonnent et nos centres d’intérêt se rencontrent, nous sommes comme des négatifs l’un de l’autre et s’est vite imposée comme une nécessité celle de travailler ensemble pour que l’artiste qui vibre en moi et le scientifique qui tonne en lui puissent s’exprimer et révéler la beauté et la force poétique de nos expériences. Et les partager.
Mon désir de travailler avec Laurent de Richemond vient donc du fait que le scientifique que je suis trouve en l’homme de théâtre qu’il est un formidable alter ego. Je suis extrêmement désireux et curieux du regard qu’il portera sur mon monde et des questions qu’il formulera sur mes recherches, sur leur sens, sur mes choix de chercheur, mais aussi sur ceux faits par l’homme qui se dessine derrière le chercheur. Je m’attends à ce que de cet exercice résulte un potentiel de remise en question et une nouvelle énergie créatrice. Je suis autant curieux sinon plus de cette épreuve promise d’une forme de mise à nu théâtrale, de cette « monstration »…
Boris Szurek
présentation du projet « SABRE »
La production du riz dans l’Océan Indien voit depuis peu sa stabilité être menacée par l’émergence récente d’épidémies à bactériose vasculaire (BLB), une maladie causée par une bactérie phytopathogène dont l’impact sur les rendements peut atteindre jusqu’à 30% de pertes. Alors qu’elle n’était présente qu’en Asie et en Afrique de l’Ouest, la BLB a pour la première fois été décrite en 2019 à Madagascar et en Tanzanie.
Suite à ces observations, un suivi épidémiologique annuel réalisé jusque 2023 dans ces deux pays a permis de montrer que la BLB avait envahi la Tanzanie et Madagascar en un temps record. Selon des études de terrain menées en 2023 au Nord de la Tanzanie, des taux d’incidence de la maladie de l’ordre de 90% ont été enregistrés dans certaines parcelles avec des pertes de production de près de 50%.
Une analyse phylogénomique a été entreprise afin de déterminer l’origine des souches responsables de ces phénomènes d’émergences en Tanzanie et à Madagascar, révélant que ces dernières étaient très proches de souches originaires d’Asie. Ces résultats suggèrent fortement que la bactériose a été introduite à Madagascar et en Tanzanie de façon accidentelle via des semences contaminées provenant d’Asie.
L’ensemble de ces résultats résulte d’étroites collaborations menées depuis plusieurs années que nous souhaitons décliner sur l’ensemble de la sous-région en incluant d’autres pays potentiellement à risque. En effet et de façon inquiétante, des études menées par l’IRRI et l’IRD en 2023 ont montré que la BLB avait également été rapportée au Kenya. Si le mode de transmission de ces souches reste à élucider, ces données illustrent bien le problème de porosité des frontières entre pays avoisinants s’agissant des maladies des plantes en général et en particulier pour la bactériose vasculaire du riz.
Une situation similaire semble avoir lieu en Ouganda où des collectes réalisées en 2023 par le NACCRI et l’IRD ont également rapporté la présence de la maladie. L’analyse des échantillons en cours nous dira si un scénario identique à celui observé au Kenya se dessine. Il est à craindre que la situation soit semblable au Mozambique qui partage le nord de sa frontière avec la Tanzanie, une région qui de part et d’autre de cette frontière est largement dédiée à la riziculture. De manière générale, nos données montrent que la production de riz dans l’Océan Indien est menacée par l’émergence de souches originaires d’Asie particulièrement agressives
Le projet SABRE (Stopper l’Attaque de la Bactériose vasculaire du Riz Émergente dans l’océan indien) vise à mettre en place un programme régional d’épidémio-surveillance de la BLB afin de prévenir l’expansion de ce fléau qui menace la durabilité de la riziculture dans l’océan indien, et par conséquent la sécurité alimentaire des pays concernés.
Pour ce faire SABRE est structuré selon plusieurs actions :
création d’un réseau d’épidémio-surveillance au niveau régional
échantillonnage de la BLB dans les régions rizicoles des pays cibles
amélioration du diagnostic de la BLB
analyse de la diversité génétique
rôle des semences dans la transmission de la BLB
identification des variétés de riz locales les moins sensibles à la BLB
Notre programme de recherche vise à réduire l’expansion des épidémies notamment via la sélection de variétés résistantes localement, et la mise en place d’un contrôle sanitaire optimisé des semences et la surveillance et l’éradication d’éventuels foyers d’infection.
…trouvant pourquoi, ne trouvant plus, retrouvant, ne retrouvant plus, ne cherchant plus, cherchant encore, ne trouvant rien, trouvant enfin, ne trouvant plus, parlant toujours, assoiffé toujours, cherchant toujours, ne cherchant plus, parlant toujours, cherchant encore, se demandant quoi, de quoi il s’agit, cherchant ce qu’on cherche, cherchons quoi, c’est vrai, essayons de savoir, avant de chercher, ce qu’on cherche…
Samuel Beckett - « L’innommable » (extrait)
« EN QUÊTE »
présentation du projet par Laurent de Richemond - metteur en scène, directeur artistique de la Compagnie Soleil Vert
« EN QUÊTE » est un projet de recherche artistique et de création théâtrale s’inscrivant dans le cadre des missions scientifiques à Madagascar du projet international « SABRE » (Stopper l’Attaque de la Bactériose vasculaire du Riz Émergente dans l’océan indien) porté par l’IRD / La Réunion (Institut pour la Recherche et le Développement)
Ce projet prendra comme sujets d’études la personne et le travail du Dr Boris Szurek (microbiologiste, directeur de recherche en biologie comportementale à l’IRD), ainsi que l’équipe scientifique composée par les acteurs du projet « SABRE » avec lesquels nous partagerons les missions sur le territoire de Madagascar
Stéphanie Louit et moi-même, allons mener ensemble cette enquête afin de récolter la matière nécessaire à l’élaboration d’une création théâtrale. Dès Novembre 2024 et jusqu’en 2027, nous irons régulièrement sur place à Madagascar, parmi les scientifiques, afin de nourrir notre réflexion et poser les bases de la forme théâtrale que nous travaillerons par la suite avec l’équipe artistique au complet, et que nous créerons à La Réunion en Novembre 2027 (nous sommes actuellement en cours de recherche de partenaires de production et de diffusion du projet)
Comment dessiner, raconter, donner à voir, à comprendre, et à entendre la singularité d’un travail collectif, d’une aventure scientifique et humaine ? Comment témoigner de la réalité et des enjeux de cette aventure ? Comment la science et l’art se rencontrent ? Comment créer une forme théâtrale qui puisse en faire la « monstration » ?
Les chercheurs, les scientifiques qui participent au projet « SABRE », les gens que nous rencontrerons au fil de l’aventure, les populations impliquées par ces enjeux de contamination bactériologique du riz, les acteurs du terrain, bref tous ces gens seront les objets de notre curiosité et de nos interrogations. Comment parler de ce travail ? Comment parler de ces recherches, des enjeux culturels et des réalités locales ? Comment écrire le réel, et créer à partir de toute cette matière un objet artistique singulier ?
La curiosité sera le moteur dramaturgique au coeur de ce projet, et nous construirons certainement une forme théâtrale kaléidoscopique, composée principalement avec des écritures du réel, mais aussi avec des éléments fictionnels, ou d’étrangeté, voire parfois même un peu surréalistes,… Bref nous voulons créer un spectacle « curieux », dans tous les sens de ce terme (à la fois étrange et suscitant l’intérêt…)
« EN QUÊTE » se construira et s’écrira d’abord en amont des répétitions du spectacle à proprement parler, dans un travail d’enquête, d’investigations, de recherches, d’observations, et d’interrogations In Situ, principalement basé sur le territoire de Madagascar.
Le projet « SABRE » se déroulera sur 3 ans (2025-2027) sur plusieurs territoires (Madagascar, Tanzanie, Kenya, Mozambique, et La Réunion). Nous avons décidé de cibler nos missions essentiellement à Madagascar pour plusieurs raisons :
D’abord pour un partage de la langue (le français étant une langue d’échange plus courante que dans les autres pays du projet)
Parce que nous avons aussi envie de centrer notre projet sur l’expérience de ce pays afin de susciter des rencontres et des échanges avec les gens sur place (à la fois les chercheurs, mais aussi les habitants), créer des liens, découvrir des personnages, nous familiariser avec le réel et la singularité de ce pays, fréquenter le quotidien Malgache… Et cela ne peut se faire qu’avec la répétition des rencontres en se rendant sur place plusieurs fois (au moins 3 missions de 15 jours sur place)
Parce que nous souhaitons aussi rendre compte dans notre spectacle de notre rencontre avec ce pays.
Parce que nous avons aussi envie de confronter le rationnel de la science avec l’irrationnel d’un pays chargé de traditions, de croyances, et de légendes.
Et puis parce que Madagascar est un pays et un territoire qui suscite en nous du désir et ouvre notre imaginaire.
Notre démarche artistique sera entièrement intégrée au projet « SABRE » et nous prendrons pleinement notre part (à notre manière et avec notre regard) aux missions de terrain, aux recherches, et aux questionnements qui en découlent. Toute la matière récoltée (textes, enregistrements, vidéos, etc…) nous mènera à l’élaboration d’une dramaturgie théâtrale singulière.
Au début de notre enquête nous poserons aux scientifiques des questions relativement simples en apparence
Parlez-nous de ce que vous faites ? C’est quoi exactement votre travail ? Ça se passe comment concrètement pour vous ? C’est quoi votre vie dans un laboratoire ? C’est quoi votre vie sur le terrain ? C’est quoi votre histoire personnelle ? C’est quoi vos désirs, vos difficultés, vos rêves et vos obstacles ? Parlez-nous de vous, de vos recherches, de votre vie…
Les réponses à ces questions nous mèneront certainement à d’autres questions, d’autres tentatives de réponses, et surtout à l’émergence d’une parole théâtrale…
Dans ce travail artistique, il s’agira d’agiter « la curiosité », et de faire « l’expérience de l’autre ».
artistes et scientifiques : « la curiosité » au cœur d’un territoire commun
Il existe un proverbe qui dit : « La curiosité est un vilain défaut » ! On peut quand-même se demander pourquoi cette affirmation ?
Je pense que ce proverbe est une précaution religieuse… La curiosité, c’est ce besoin de chercher à comprendre les choses, et à ne pas simplement croire ce qu’on nous dit de croire, et ça les religions n’aiment pas du tout ça !
Les artistes comme les scientifiques aiment passionnément fouiller les recoins cachés, ouvrir les boites à secrets, soulever des pierres, et s’aventurer dans les pièces obscures…
La curiosité, c’est ce qui nous pousse à faire des découvertes, à révéler des secrets, à créer des mondes, et à questionner et mettre en doute ce que nos yeux voient ou ce que notre cerveau pense (et sans cette remise en question de notre perception des choses, Einstein n’aurait jamais élaboré sa théorie de la relativité générale, et Jérôme Bosch n’aurait jamais peint Le Jardin des Délices, et Galilée et Picasso n’auraient jamais existé…)
Moi c’est par curiosité (et peut-être aussi un peu par jalousie) que je suis fasciné par la science, et admiratif des scientifiques et de leur travail.
Dès le lycée, j’ai choisi une orientation artistique (bac théâtre). Bizarrement le système éducatif nous a mis en tête que les arts étaient étroitement associés aux lettres, et qu’en choisissant une voie artistique j’étais donc évidemment un littéraire, et certainement pas un scientifique
Le Bac lettres et arts n’avait rien à voir avec le Bac scientifique, et encore moins économique. Je me suis donc naturellement totalement désintéressé des sciences, et je pense aujourd’hui n’avoir strictement rien appris en matière scientifique dans mon parcours scolaire !
C’est une bien grave erreur de laisser croire et entretenir cette opposition des savoirs !
Paradoxalement, c’est par l’art que je me suis intéressé de plus en plus à la recherche et aux questions scientifiques qui au final m’ont donné un autre éclairage sur le théâtre et la création artistique.
Parce qu’il y a un moment où j’ai eu envie de comprendre autrement le monde et les choses.
Parce que les découvertes scientifiques ouvrent un imaginaire éminemment poétique.
Parce que je suis aussi un grand lecteur de science-fiction.
Parce que je suis fasciné par l’histoire de la Terre, les origines du vivant, et la vie de la nature en général.
Parce qu’un jour je me suis mis en tête de comprendre le Boson de Higgs, et que j’y suis arrivé !!
Parce que j’écoute et regarde passionnément des émissions, des documentaires, des conférences de vulgarisation scientifiques.
Alors, aujourd’hui, le défi de ce nouveau projet théâtral sera d’affirmer que la science peut être une matière à part entière de la création artistique !
Avec « EN QUÊTE », nous partirons à l’aventure, nous chercherons à explorer des territoires où la Science rencontre l’Art (et vice versa). Nous établirons alors notre campement au croisement partagé où la démarche scientifique rencontre la démarche artistique…
La curiosité sera le moteur de nos explorations.
Les artistes et les scientifiques se rejoignent dans une quête commune : celle de comprendre et d’interroger les choses au-delà des apparences dans une démarche créative qui les pousse à sortir des sentiers battus, à inventer de nouvelles façons de raconter le monde.
Dans le domaine artistique, la créativité se manifeste dans la recherche de nouvelles formes, de nouvelles esthétiques, de nouvelles manières d'exprimer des idées, des émotions ou des questionnements. L’artiste est libre de jouer avec les codes, de réinventer le réel afin de percevoir le monde sous un autre angle. Cette liberté d’exploration peut donner lieu à une démarche fondamentalement expérimentale dans laquelle les conventions sont remises en cause et de nouveaux outils de compréhension du monde sont créés.
Le scientifique (tout comme l’artiste) se retrouve lui aussi face à des mystères. Sa démarche est certes guidée par une méthodologie rigoureuse, mais elle nécessite également une grande dose de curiosité créative pour résoudre des problèmes complexes, formuler des hypothèses nouvelles et faire des découvertes qui ne naissent pas seulement d'une observation purement rationnelle du monde, mais qui dépendent également d'une capacité à l’imagination, à penser au-delà des paradigmes établis.
Si les méthodes des artistes et des scientifiques diffèrent, leurs quêtes sont souvent similaires. Que ce soit avec les outils de la raison, ou en s’appuyant sur l'intuition et la subjectivité, dans les deux cas, la curiosité les pousse à interroger le monde, et à y voir plus qu'une simple surface.
Le lien entre la créativité artistique et scientifique réside dans cette capacité à ouvrir des portes vers de nouveaux territoires. Et c’est cette curiosité créative qui fait avancer aussi bien l'art que la science. Elle est le moteur de l'évolution des idées et des formes.
Notre territoire commun, c’est ce désir et cette nécessité de créer et d’être créatif, de vouloir agir avec une certaine idée de l’utilité et du bien commun (voire même avec une motivation à changer un peu le monde…), et de se sentir animé par ce sentiment de participer à quelque chose d’important qui transforme un peu la vie et le regard des gens…
Ce territoire en commun, c’est bien celui d’une quête !
Alors il nous suffira simplement d’un peu de volonté pour partir à l’aventure, à la découverte de ce qu’on ne connaît pas, afin d’aiguiser notre soif de connaissance, notre curiosité de tout, notre curiosité du monde, des choses, des autres, et de nous-mêmes.
Il nous suffira d’activer en nous une curiosité sauvage pour accéder au monde, et y révéler tant de choses cachées.
Il nous faudra alors mettre en jeu notre savoir, nos connaissances, nos passions, nos doutes, nos certitudes, nos préjugés, notre ignorance…
Il nous faudra travailler notre curiosité, et vouloir la faire grandir.
Il nous faudra affirmer notre besoin de comprendre et de vouloir être compris.
Il nous faudra être un peu exigeant avec nous-même, nous auto-discipliner, nous lancer des défis personnels, Il ne faudra pas nous réfugier dans la facilité, mais pas non plus nous dissoudre et nous perdre dans la complexité.
Il nous faudra placer la barre en hauteur, tout en mesurant et visant un objectif atteignable.
Il nous faudra faire confiance aux autres sans s’en remettre entièrement à eux.
Tout commence à partir de maintenant !!
Nous partons explorer un territoire inconnu.
Nous partons faire l’expérience de l’autre.
un « théâtre de l’expérience » / une « écriture du réel »
J’ai toujours cherché à fabriquer des spectacles qui puissent nous faire vivre une expérience réelle. J’aime partir à la recherche d’une écriture théâtrale qui excite et dérange un peu le concept tranquille de la « représentation » afin que les gens n’aillent pas au théâtre seulement pour consommer un objet culturel, mais qu’ils y aillent aussi pour vivre en commun une expérience de sens, de pensée, et d’émotion. Reste alors à savoir le regard que l’on convoque, et l’expérience que l’on propose…
Au théâtre, les histoires n’ont pas besoin d’être systématiquement incarnées par des personnages pour pouvoir exister, alors je propose souvent aux acteurs de construire leur présence sur scène en partant d’eux-mêmes. Nous pouvons alors fabriquer du théâtre avec des matériaux à priori non théâtraux afin de faire émerger une parole qui ne repose pas intégralement sur une écriture fictionnelle préexistante.
Mais cette question de l’écriture du réel au théâtre ne doit pas se poser en terme d’opposition entre fiction et réalité. La fiction fait bien partie de la réalité car nous sommes constitués par la matière même de nos fictions, de nos histoires, de nos expériences de vie. Et tout cela est partageable.
C’est très enthousiasmant de pouvoir écouter et regarder un scientifique, un chercheur, qui déroule le fil de sa pensée. C’est passionnant de questionner ce mouvement à l’œuvre, et de jeter des passerelles, de construire du lien entre le monde des arts, de la recherche et de la science. Et c’est aussi très excitant pour un scientifique de pouvoir franchir une frontière en mettant son travail, sa pensée, ses recherches en dialogue avec une expérience artistique et sensible, en mettant ainsi son réel « en jeu ».
« EN QUÊTE » sera un spectacle qui cherchera à créer les conditions de cet espace de recherche et de frottement. La création artistique que nous proposons se fabriquera dans l’incertain de ces relations tissées, au grès de situations qui s’inventent. Une écriture du réel qui puise à la source de ces interactions humaines.
Que cette création naisse d’expériences vécues, d’enquêtes de terrain, de vagabondages, elle aura pour ambition d’élargir nos perceptions et d’enrichir notre manière d’être ensemble.
Mettre en présence des mondes qui ne se connaissent pas ou si peu, et chercher ce qui peut naître de ces rencontres. Avec ce projet, nous voulons échapper au simple témoignage ou à la conférence, pour mettre en jeu le processus de recherche et d’enquête en lui-même. Nous voulons expérimenter une articulation entre recherche artistique et scientifique, et créer une forme théâtrale qui puisse en rendre compte.
Pour l’artiste comme pour le scientifique, il est important d’éprouver ce besoin de construire une autre relation au monde et aux autres, de déplacer les rapports de maîtrise qui les lient habituellement à leurs sujets et à leurs publics.
Que ce soient au travers de domaines de recherches sur la biologie comportementale, le mimétisme dans l’organisation d’une collectivité de bactéries parasites, les interactions des plantes avec leur pathogènes… Toutes ces recherches tournent finalement autour de la question des communautés organiques et des associations du vivant. Et ces questions sont éminemment théâtrales et profondément artistiques.
Au travers de ce projet, nous chercherons à faire émerger des formes poétiques, mais aussi des questionnements philosophiques et sociétaux… Nous nous mettrons à l’affût de tout ce qui peut faire résonner la recherche scientifique avec une démarche artistique.
Mais alors qu’est-ce que c’est exactement une « écriture du réel » au théâtre ?
C’est d’abord un territoire poétique, une écriture qui s’invente dans la relation, en se frottant à l’expérience, en fouillant ces zones de mystères et d’invisibles qui se cachent en chacun de nous.
C’est sortir du témoignage pour aller vers la création d’un langage poétique, vers une fiction qui se déplie de l’intérieur.
C’est tenter de faire vaciller, de questionner notre rapport au monde en inventant une écriture en allers-retours entre la scène et le terrain.
C’est apprendre à écouter, à résister à l’identification trop facile, à cultiver notre curiosité…
C’est accepter de se perdre un peu, de se retrouver face au réel comme face à un abîme.
C’est s’affronter à l’invisible, au tâtonnement, à la difficulté du comment dire…
Bref, c’est faire « L’expérience de l’autre »
Une écriture du réel ne nie pas du tout l’imaginaire qu’elle porte en elle. Nous travaillons sur une zone frontière entre fiction et non fiction… Il faut alors soulever et poser toutes les questions sans trop savoir ce que l’on va trouver. Il faut lire, interroger, aller sur place, visiter, se renseigner, se documenter. Et puis rencontrer des gens pour savoir comment les mots de l'autre traversent le réel, en rendent compte, afin de saisir le regard de cet autre…
Nous désirons écrire le réel comme une expérience sensible de l’altérité, comme une écriture du présent en éveil. Nous désirons faire des rencontres qui débordent des cadres, des étiquettes, et des territoires cloisonnés, une écriture où s’inventent alors d'autres jeux, avec d'autres joueurs et des règles nouvelles à imaginer.
Laurent de Richemond
Distribution
La distribution du spectacle sera une rencontre entre acteurs professionnels et amateurs
Les acteurs amateurs
La figure centrale de ce spectacle sera Boris Szurek (acteur amateur, coordinateur du projet scientifique SABRE)
Nous espérons aussi convaincre de participer au spectacle les autres scientifiques du projet SABRE (en tant qu’acteurs amateurs), et notamment Mathilde Hutin (équipe Madagascar)
Leur présence sur scène pourra se jouer soit en réel, soit par l’intermédiaire d’une présence par la vidéo et des enregistrements audio.
Possibilité aussi d’intégrer des acteurs amateurs volontaires à l’occasion de temps de travail - à définir - en amont des représentations
La Figure : les acteurs amateurs seront principalement convoqués à travailler sur une Figure
La Figure au théâtre est un espace intermédiaire entre la personne et le personnage. Cela repose sur l’idée qu’à partir de soi-même on peut représenter bien plus que soi-même
Les acteurs professionnels
Laurent de Richemond, Stéphanie Louit, Laetitia Langlet, Nicolas Rochette (distribution en cours…)
Ils travailleront à la fois sur des écritures du réel (figures témoignant du réel), mais aussi sur des personnages fictionnels (Policiers-Enquêteurs, Don Quichotte et Sancho Pança, les Shadoks, des Paysans, des Bactéries, des personnages de scientifiques, etc…)
Et tout le monde - acteurs amateurs comme professionnels - traversera et partagera des paroles extraites de « L’Innommable » de Samuel Beckett…
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Notes et idées prévisionnelles en vrac…
« Don Quichotte » de Miguel de Cervantès
Cette oeuvre sera une référence littéraire dans ce projet à travers la question de la quête, de la croyance, et de la relation au réel. Les personnages de Don Quichotte et de Sancho pourront faire des apparitions dans le spectacle. Des paroles extraites du texte pourront être dites
« Les Shadoks » et la science
La science et la logique Shadok pourront aussi exister par irruption dans le spectacle, déstabilisant toute logique rationnelle... « S’il n’y a pas de solutions, c’est qu’il n’y a pas de problèmes »
L’art de la dispute
Nous nous intéresserons particulièrement aux conflits et aux rapports de pouvoir : les ambitions personnelles, la relations parfois difficile de l’individu avec le collectif, les complexes de supériorité des uns, et les frustrations des autres, les besoin de reconnaissance, les combats de coqs et de poules… Les engueulades entre chercheurs (ou entre artistes) peuvent générer des situations très drôles (par exemple un engueulade qui éclaterait entre deux scientifiques dans la file d’attente d’une cantine, avec les plateaux repas entre les mains…)
Au travers de ces conflits, nous voulons mettre en valeur « l’art de la dispute ». Car tout cela nous renvoie finalement aux modes de fonctionnement de toute collectivité humaine…
L’art d’être parasite
Nous nous inspirerons dans ce spectacle de la logique parasitaire. Le but ultime du parasite étant de se rendre indispensable !
L’invention d’une langue
Nous souhaitons écrire un texte à partir de tout ce que nous ne comprenons pas dans le langage et la parole des scientifiques et de tous les gens que nous rencontrerons au cours de cette aventure. Ce texte sera incompréhensible, comme une langue imaginaire composée à partir de choses tout à fait réelles… Nous collectionnerons tout ce que nous entendrons et que nous ne comprenons pas ! Cela ira du langage et des références scientifiques, à la langue Malgache, en passant par nos propres incompréhensions… Nous écrirons à partir de ça une parole incompréhensible, peut-être, mais qui composera une sorte de musicalité poétique, des conversations improbables, et sûrement drôles…
exemple de scène possible
Un interrogatoire musclé dans un commissariat
Boris Szurek sera interrogé de manière musclée par des policiers et enquêteurs afin de l’obliger à s’expliquer, à expliquer son travail, à répondre aux questions qu’on lui pose avec une lampe dans la gueule,… Comme un criminel, il ne sera pas libéré avant que l’on ait compris qui il est, ce qu’il fait, ce qu’il cherche…
pistes scénographiques
L’espace sera quadrillé au sol par 50 plans de riz (factices) sur des supports modulables (afin de changer leurs positions en fonction des séquences)
Un système permettra de faire pleuvoir du riz
Des appareils de cuisson (Rice Cooker) cuiront et réchaufferont du riz en permanence. Riz qui pourra être mangé par les acteurs au cours du spectacle
Des frigos ou des sortes de coffres à congélation s’ouvrant et se refermant régulièrement en évacuant des nuages de fumée produites par de la neige carbonique
création vidéo
Une installation vidéo sur scène permettra de projeter des images de paysages, de lieux, de moments de vies à Madagascar, comme faire apparaître en gros plan des interventions de personnes et personnages qui nous parlent directement ou interagissent avec les acteurs sur scène. La vidéo nous permettra de faire exister et donner une place sur scène aux gens important dans ce projet (personnalités rencontrées au cours de nos missions, chercheurs, personnalités interviewées, membres de l’équipe SABRE, etc…)
création sonore
Elle sera créée à partir de matériaux enregistrés sur place (entretiens, enregistrements volés, sons et musiques de Madagascar, ambiances, etc…)
MADAGASCAR
par Stéphanie Louit - actrice, collaboratrice artistique
Pour une raison que j’ignore : Madagascar s’est toujours imposé dans ma vie.
En octobre 1999, j’avais 22 ans et ma licence de psychopathologie en poche, je suis allée m’installer à la Réunion pour y passer un concours mais comme j’étais pauvre, je suis partie à Madagascar où j’y suis restée 5 mois. « Les voyages forment la jeunesse » dit-on et c’est en effet dans ce pays que je m’y suis en quelque sorte rencontrée et formée pour le reste de ma vie.
Je l’ai arpenté du nord au sud, à l’instinct et j’ai pris le réel en pleine tête : j’y ai découvert la prostitution décomplexée, les pierres précieuses, les petites îles « paradisiaques » vendues pour en faire des complexes touristiques, la misère, le choléra, les tsyngys, la marqueterie, les cyclones, le famadihana, les blattes géantes, les taxi-brousses, les cauchemars sous Savarine, le style musical Malgache, les lémuriens, les billets de 25000 francs, les vestiges de la colonisation française, l’ambre de cachalot, la bilharziose, les légendes, les baobabs, j’ai nagé avec les tortues, fait de la pirogue, j’ai dit « mora mora », portée des sandales en pneu de camion, conduit une AX dans le sud désertique, j’ai versé sur le sol de la bière pour les Anciens, j’y ai croisé plusieurs fois la mort, la mienne et celle des autres, je pensais ne jamais y retourner. J’y retournerais pourtant bientôt, 20 ans plus tard, et je devrais me confronter à ce qui a changé.
Madagascar s’est toujours imposé dans ma vie.
Laurent de Richemond et moi, on part à l’aventure et j’ai hâte de voir aussi le pays à travers ses yeux. Nous ferons ensemble des images, des vidéos, capterons des sons, des musiques. Nous enquêterons sur les croyances et sur les connaissances paysannes liées à cette bactériose du riz en posant des questions droites et directes « Pourquoi le riz est malade ? Qu’est-ce qui le rend malade ? » car enfin les scientifiques ont leur idée mais peut être que cette épidémie n’est autre qu’un sortilège…
Stéphanie Louit
production : Compagnie Soleil Vert / coproduction : IRD Montpellier - Projet SABRE
partenaires de production et de diffusion en cours pour la création du spectacle en 2026-2027